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Dégradation de la justice familiale en Ile-de-France, tribune des bâtonniers

Le 17 juillet 2023
Dégradation de la justice familiale en Ile-de-France, tribune des bâtonniers
Quelques réflexions libres après la lecture de la tribune de la Conférence des Bâtonniers d'Ile-de-France et du Barreau de Paris sur la dégradation de la justice familiale dans cette région.

Dans une tribune en date du 7 juillet 2023, la Conférence des Bâtonniers des Ordres des avocats d'Ile-de-France et le Barreau de Paris ont utilisé des termes particulièrement forts pour critiquer la situation actuelle de la justice familiale devant les tribunaux judiciaires et les cours d'appel de cette région.

Tribune à lire

A l'échelle de ma pratique, je constate également une dégradation qui semble inéluctable. C'est un sujet de conversation récurrent entre avocats qui pratiquent cette matière, chacun d'entre nous ayant des anecdotes qui permettent de mettre en lumière les conséquences parfois dramatiques pour les clients des retards dans les procédures.

La matière familiale est par excellence la matière de l'urgence. Je pense par exemple à cette mère de famille qui a trouvé un emploi à Aix-en-Provence et qui souhaite déménager avec son fils mais le père s'y oppose. Doit-elle laisser son fils derrière elle pour pouvoir respecter son engagement à son nouvel employeur de commencer le 1er août?

En tant qu'avocat ayant de nombreux dossiers en droit de la famille, je suis l'intermédiaire entre les juridictions et les justiciables pour des questions qui présentent pour eux une importance essentielle. Il me revient de leur expliquer pourquoi leur affaire, qu'ils considèrent légitimement comme urgente, ne pourra pas être entendue avant l'année prochaine. Leur colère est alors aussi légitime que le découragement qu'ils peuvent ressentir face au monstre froid que peut être la justice.

Mais ce n'est pas simplement une question de durée de procédure. La justice est notoirement et généralement pauvre en ressources humaines, magistrats et greffiers principalement, mais cela se ressent principalement dans les matières familiales qui constituent 70% des affaires devant les juridictions familiales.

Aujourd'hui, il est très difficile pour les avocats de joindre les greffes, sans parler des magistrats qui nous sont inaccessibles depuis l'inauguration du nouveau Tribunal de Paris. Pourtant, nos dossiers sont avant tout des personnes humaines; dans cette matière il n'y a pas de gagnant ou de perdant mais des intérêts à concilier. Nous gagnerions largement à bénéficier de plus de souplesse dans l'élaboration et la mise en œuvre des décisions de justice.

Ceci n'est pas un reproche fait aux magistrats et aux greffiers, qui font des miracles avec le peu qu'on leur donne, mais une expression des difficultés qu'ils rencontrent en tant que pièces d'une machine qui ne semble aujourd'hui plus capable d'autre chose qu'une fuite en avant avec une multiplication des délais et des dossiers en souffrance.

Plus le temps passe, plus il sera difficile de résoudre ces difficultés; plus les dossiers s'accumulent plus il deviendra impossible de réduire cette montagne au risque de finir écrasé sous son poids. La justice n'existera alors plus! La question est aujourd'hui de déterminer qu'est-ce qui cèdera en premier: la confiance des justiciables qui continuent jusqu'à maintenant de soumettre leurs litiges au service public de la justice ou les femmes et les hommes de l'administration de la justice qui luttent pour garder la tête en dehors de l'eau?

Les solutions existent et aucune ne sera suffisante seule. Les nombreux crédits annoncés récemment sont un pas important mais insuffisant. Il faudra également saisir les opportunités offertes par les modes amiables de résolution des différends (notamment la médiation ou le droit collaboratif auxquels je suis formé) afin de trouver des solutions sans passer devant le juge. Mais, pour certain, le passage devant le juge est l'unique solution pour mettre un terme au contentieux.

Ce que je considère comme certain c'est que les citoyens seront toujours des justiciables; aucune société n'est envisageable sans l'organisation d'une administration de la justice pour assurer chacun de la possibilité de la possibilité de saisir un tiers en cas de litige. Nous devons faire très attention de ne pas détruire le magnifique outils dont nous disposons aujourd'hui. Les conséquences négatives sur la vie sociale seront graves et nombreuses.